LE PRISONNIER DU CIEL, par Carlos Ruiz Zafon
Le Petit Prodige du Pavé Barcelonais « Ecrire un roman, c’est comme construire une cathédrale, tout est une question de technique », Carlos R.Z.
Le Prisonnier du Ciel, Tome III
L’œuvre s’inscrit dans une saga (parue aux Editions Robert Laffont), Le Cimetière des livres oubliés des commencée depuis 2009 avec L’Ombre du Vent et le Jeu de l’Ange, les deux premiers volets. Comme nous le rappelle Zafon, les divers volumes de la série peuvent être lus séparément et dans l’ordre qui vous plaira. Ces derniers permettent au lecteur d’explorer le labyrinthe d’histoires en y accédant par différentes portes et différents chemins qui, mis bout à bout, le conduiront au cœur du récit.
Barcelone, 1957.
La sonnette tinte sur le seuil de la librairie Sempere. Le client s’approche de Daniel en boitant. L’objet de sa visite ? Un magnifique exemplaire du Comte de Monte-Cristo… Qu’il laisse à l’attention de Fermin, en congé, accompagné d’un curieux message du passé. C’étaient les heures noires du franquisme : à la prison de Montjuic, parmi les damnés du régime, Fermin portait le numéro 13.Les fantômes refont surface. Dans l’ombre, le Cimetière des Livres Oubliés cache toujours son secret…
L’histoire del niño qui voulait décrocher les étoiles
Issu d’un milieu populaire, le petit Carlos, né en 1964 sur les terres industrielles et misérables de Barcelone, avait déjà des rêves plein la tête et une détermination à toute épreuve : devenir un romancier au rayonnement international.
Très tôt, il est bercé par les grands patrons dont Aristote, Thomas Mann, preuve en est que la culture reste accessible et donc pas d’excuses pour les plus réfractaires. Selon lui, la littérature doit être perçue comme la « clé pour échapper à la pauvreté et à l’ignorance ».
Une plume couronnée de succès
A 29 ans, il migre Outre Atlantique, direction le rêve américain. La gloire aura pris quelques libertés avec notre ami concernant leur grand rendez vous, cette dernière le propulsant au sommet à l’aube de la quarantaine.
L’Ombre du vent, son premier roman, a reçu le prix Planeta, celui du Meilleur livre étranger pour la catégorie Roman et s’est vendu dans le monde entier à des milliers d’exemplaires.
Six Pieds Sous Le Rêve
L’intrigue prend le temps de se lancer en douceur, le décor est idéal. Tout commence au cœur d’une librairie centenaire, Sempere & Fils ; une aventure familiale de la Barcelone d’après guerre, encore traumatisée par les horreurs du franquisme.
Les protagonistes sont authentiques, à l’image de l’écriture de Carlos Ruiz Zafon, avec ce voile de pudeur qui interpelle et promet des confidences "ébranlantes".
Daniel (Sempere fils), coule des jours heureux et tranquilles aux côtés de sa petite fratrie et de son ami très cher Fermin. Jusque là rien de très extraordinaire, un portrait de famille assez commun.
Au moment même où l’on commence à s’installer confortablement dans ce cocon que l’auteur nous a créé, coup de théâtre, une visite indésirable vient sonner le glas de notre retraite, porteuse de message intrigant et menaçant : « Pour Fermin Romero de Torres, qui est revenu d’entre les morts et détient les clés du futur ».
Peu à peu, les secrets se dévoilent et remontent à la surface, telles des bulles de savon. Un coup de pied a frappé la fourmilière qui s’agite et se bouscule auprès de Fermin, destinataire de l’étrange dédicace, en s’interrogeant sur la nature de cette intrusion et sur l’implication de ce dernier ce retournement chaotique.
Alors que Fermin apparaît dès le début du récit comme un trublion pétillant et cynique, au verbe impeccable, la venue du mystérieux messager le renvoie dans les tréfonds peu glorieux d’un passé douloureux, à l’occasion duquel l’accent est mis sur une facette plus sombre de sa personnalité et sur la découverte d’un monde littéraire enfoui, de mensonges qu’il pensait étouffés à jamais.
Pour Résumer...
Ce que j’ai trouvé absolument délicieux dans l’écriture de Carlos Ruiz Zafon réside dans cette facilité qu’il arbore à ramener la langue (dans tous ses états) et ses nombreux paysages au devant de la scène, une quête honorable et une réhabilitation heureuse qui se fait de temps à autres au prix de quelque sacrifice syntaxique.
Cet amoureux des livres et des classiques évanouis dans les gouffres de la mémoire collective, prône son engouement pour le monde papier avec une insolence presque indécelable.
On ne peut pas passer à côté de son émerveillement face à ces vieilles librairies secrètes, recelant mille trésors, ce plaisir du dénicheur compulsif. On prend plaisir à se laisser entraîner sur les traces d’écrivains fantasques, réels ou non au travers des ruelles animées de Barcelona.
Tout n’est que poésie susurrée et parfois simplement suggérée. Une ode à l’amour véritable de la littérature romanesque.
Note : 4/5