TA MAIN, par Joëlle Richard
# SPECIALE MASSE CRITIQUE #
Le Théâtre... Voilà un genre que j'avais, sans même m'en apercevoir, un peu délaissé, et c'est avec engouement que m'y suis replongée grâce à l'équipe Babelio et L'Echappée Belle Edition (que je remercie chaleureusement) avec Ta Main, une pièce originale en treize tableaux, à la forme soignée, née sous la plume de Joëlle RICHARD (fondatrice de la compagnie Roz & Coz).
Dans un univers postapocalyptique vidé de tout, trois solitaires se croisent, s'opposent et s'attachent au cœur dune forêt dhévéas. Il y a Baba, idéaliste et obstinée, que les fêlures du passé empêchent d'avancer. Ambertus Lucius Gigue dit « Pincette », marchand ambulant et croque-mort patenté, dont le goût de l'or camoufle un rêve cassé. Et puis Éphédrine, bon petit soldat au service dune usine de pseudo humanistes aux dents affûtées. Mais lorsque le cynisme s'invite dans la lutte pour la survie, il est des esprits farouches qu'il vaut mieux ne pas contrarier...
Le lecteur spectateur est lâché en pleine scène post apocalyptique (résultat d'une catastrophe nucléaire) avec des personnages truculents s'efforçant chacun à leur manière de survivre dans cet univers chaotique. Entre Pincette, un fossoyeur et magouilleur impénitent trainant ses guêtres dans toute sorte de commerces peu reluisants, au langage fleuri, aux répliques mordantes et à la main lourde sur le litron ; Baba, dernière saigneuse d'hévéas (spécialiste de la fabrique de préservatifs), affairée à ses expériences explosives, vieille femme altruiste et solitaire, et Ephédrine, fonctionnaire disciplinée à la solde de l'industrie carnassière pharma-agroalimentaire et du nouveau pouvoir en place, sur la sellette au regard de ses derniers résultats en terme d'objectifs de vente, autant vous dire que le lecteur n'a pas une minute à léguer à l'ennui.
Joëlle RICHARD nous a ici concocté une farce sociale à l'intrigue rythmée et fluide, au verbe léché. Les protagonistes acteurs évoluent dans une atmosphère étriquée et nauséabonde qui ajoute au charme décalé de la pièce; un monde où les cachets ont remplacé les denrées alimentaires dans nos assiettes, une véritable dictature bureaucratique prête à endiguer tout embryon de révolte et à faire le sacrifice du moindre "poids pour la société" sous prétexte de servir l'intérêt général.
Une satyre étonnamment contemporaine, une écriture vivante et grinçante avec laquelle l'auteure nous cueille sans crier gare et nous arrache quelques rictus et fourmillements pré-larmoyants. Un thème fort et peu réjouissant traité avec finesse et au travers duquel Joëlle RICHARD distille son humour énergiquement.
Une représentation digne d'être saluée par la critique.
Chapeau bas !
Note : 4/5