MADAME BOVARY, par Gustave Flaubert
J'avais déjà lu Salammbô mais ne m'étais pas encore attaquée à l'une des œuvres "emblématiques" de Flaubert et ai profité d'une pause estivale pour effeuiller cette femme qui a fait couler tant d'encre.
Faits divers en Normandie: une fille d'agriculteur rêveuse épouse un médecin décevant, s'ennuie à la campagne, prend des amants, s'endette et se donne la mort. Flaubert relève le défi de ce sujet banal. Madame Bovary ne dit pas seulement le malaise de toutes les femmes insatisfaites, de la "mal mariée" du XIXe siècle aux "desperate housewives" des feuilletons américains du XXIe siècle. Ce roman transforme en chef-d'œuvre l'une des plus grandes tristesses humaines: celle de manquer sa vie.
(Première édition en 1857 par Michel Lévy Frères)
Une intrigue un peu longue à se lancer. Nous débutons notre lecture aux côtés de Charles Bovary, gamin un peu gauche et introverti, issu du milieu rural - avec une construction narrative à ce stade, qui ne permet pas de se lier à lui et pour cause, il ne semble exister que pour mieux introduire l'entrée en scène de sa délicieuse et jeune nouvelle épouse, Emma, sur qui les projecteurs vont rapidement se braquer.
Les descriptions exhaustives et détaillées jouent les prolongations, une insistance qui doit être replacée dans le contexte de l'époque de l'auteur, les moyens de communication n'étant pas aussi diversifiés et accessibles, difficile en pareille situation d'être au plus près du réel. Une plume léchée cependant, même si l'on était pas parti pour douter de ce postulat, homme de lettre oblige.
Nous suivons donc l'évolution de ce jeune couple au fil des pages, un Charles conciliant et envouté par une oiselle amoureuse de l'amour. Une jeune âme habitée par quelques élans passionnels qui ne demandent qu'à trouver un écho mais qui l'emmèneront rapidement vers des rivages redoutables. Son palpitant affamé n'a de cesse de vouloir être rassasié. La messe est dite : Emma vivra tout intensément ou ne vivra pas. Comblée pour un temps par ses lectures et récits d'ailleurs, il lui faut vite les concrétiser et en faire l'expérience, goûter à ces promesses exaltantes.
Le grand paradoxe de cette créature, et qui lui vient certainement de son éducation pieuse et austère, s'illustre lorsqu'elle s'acharne à tout mettre en œuvre (au début tout du moins) pour la réussite de son ménage en multipliant les petites attentions, pour finir par se laisser dépérir et devenir un cœur en friche, au fil des saisons, consumée par l'ennui.
Tiraillée entre morale et instinct, Madame Bovary est aussi et peut-être surtout, l'histoire d'une passion moquée et méprisée. Elle retrace le parcours d'une femme aux rêves bafoués, aux idéaux insultés. Des conjurations à son endroit qui ne font qu'accroitre sa répulsion conjugale.
Elle finit par revêtir le masque d'une amoureuse vampirique, une diva qui exhorte ses amants aux caprices les plus délirants pour finir bouffie d'ingratitude, revers des tourments ardents qui l'assiègent. Bougresse impitoyable avec Charles qui, s'il est dépeint comme sans grand intérêt, est bien vite pris en pitié par le lecteur. Une enfant dévorée par ses passions ne prenant ombrage qu'un temps de ses nombreuses mésaventures pour s'y engouffrer de plus belle jusqu'à sa perdition.
Note : 3.5/5