SA MAJESTE DES MOUCHES, par William Golding
- RAPHIKI
- 18 oct. 2017
- 3 min de lecture
Après un accident d'avion, des collégiens britanniques se retrouvent seuls, sans adultes, sur une île du Pacifique. Obéissant à Ralph, le chef qu'ils ont élu, ils s'organisent pour survivre. Mais, la nuit, leur sommeil se peuple de rêves terrifiants. Et s'il y avait vraiment une étrange créature tapie dans la jungle? Sous la conduite de Jack, la chasse au monstre est lancée. Les clans de Jack et de Ralph ne vont pas tarder à s'affronter cruellement.
William Golding introduit son récit en nous larguant sur une petite île, a priori inhabitée, à l'instar de ses personnages, une bande de gamins échoués ici suite à un crash d'avion.
Les descriptions (parfois lourdes) de cette nature vierge et foisonnante encore parée de son hymen étouffant et hostile ne se font pas attendre, et leur multiplication ne fait qu'accroitre notre excitation et notre appréhension.

La première étape de cette expérience va nous mener vers la problématique de la gestion du post-traumatique, en quelque sorte, qui suit un tel événement : chacun des garçonnets ne répondant pas de la même manière. Alors que certains y voient une occasion unique de liberté absolue dont ils comptent bien jouir pleinement, en faisant fi de tous codes sociaux et morale, jusqu'à présent engrangés à la hâte et disposés étroitement dans leurs petites caboches ; d'autres, plus rationnels ou tout simplement moins dégourdis, sont vite en proie à un malaise prégnant et ressentent le besoin d'instaurer des règles (calquées sur celles qu'ils ont toujours connues), d'élire un gouvernement (souvent synonyme de stabilité et de sécurité) afin d'organiser leur nouvelle vie en collectivité. Une nécessité qui peut s'analyser comme une sorte de prolongement de leur vie « d'avant », une façon d'ignorer ou de repousser cette séparation brutale avec la société.
Le point de rupture se profile rapidement à l'occasion de la mise en place de cette hiérarchie, difficile pour des enfants, sans le filet de sécurité adulte, de s'accorder sur la personne qui aura vocation à les diriger et à cette dernière, d'en assumer la responsabilité. La question épineuse de la gouvernance, si elle semble être résolue à première vue, va clairement nous occuper pendant une bonne partie du livre, deux personnalités se démarquant peu à peu. D'un côté, il y a Ralph, courageux et pas toujours secret, possédant une certaine conscience de l'intérêt général, quand de l'autre, un Jack, intrépide et orgueilleux, nourrit quelques jalousies vis-à-vis du pouvoir en place, se laissant dévorer par sa soif de pouvoir qui le mènera à perpétrer quelques ignominies.
Le lecteur sera parfois désarçonné par cette insouciance qui semble planer un temps sur l'équipée, l'idée d'un avenir ou d'un possible sauvetage paraissant n'être qu'effleurée. Mais progressivement cette apparente tranquillité se délite. Pour certains, ce bouleversement est trop difficile à intégrer, les remparts de leur monde rationnel étant ébranlés voire explosés. Pour d'autres, l'instinct primitif se réveille crescendo, comme si nous avions tous en nous une soupape de sécurité d'homme dit civilisé qui, malgré la démesure de la situation et la fatalité, tentait de résister – un petit quelque chose qui tend à nous rappeler que c'est en cela que nous nous différencions des autres êtres vivants, ce qui constitue notre identité.
La violence et les névroses, tapies jusqu'alors, nous explosent en plein visage et se concentrent sur la fin du roman et rompt avec le climat lourd et lancinant instauré par l'auteur. Une apothéose horrifique qui nous soulagerait presque, le lecteur ne supportant plus de voir les protagonistes sur le fil de la folie, s'échanger des sous-entendus ou des regards dérangeants qui paraissent anodins mais qui commencent à prendre corps dans leurs esprits respectifs.
Le livre nous interroge sur notre rapport avec notre environnement et surtout notre adaptation à une nouvelle condition (notamment la nécessité et la capacité d'adapter nos réponses sociales ou non, déjà assimilées, à celle-ci) et sur cette faculté enfantine (et peut-être pas seulement) à transformer les perceptions pour ne pas avoir à regarder au fond de nous de peur d'y trouver la preuve de l'infâme.
Note : 3,5/5
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