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LA RELIEUSE DU GUE, par Anne Delaflotte Mehdevi

Voici un roman qui m'avait été offert il y a maintenant plus de deux ans et qui peut-être, sous des dehors modestes, ne me faisait pas des appels de phares pour que je succombe sur le champ. Et pourtant, aussi simple que l'intrigue puisse paraître, cette découverte s'est révélée une petite perle d'authenticité.


Mathilde délaisse une carrière prometteuse de diplomate pour ouvrir un atelier de reliure dans un village de Dordogne. Cuirs, fibres de bois, feuilles d'or et pigments accompagnent désormais le quotidien de la jeune femme qui restaure avec passion et minutie les ouvrages qu'on lui confie. Un matin, alors que la pluie bat le pavé de la ruelle, un visiteur franchit le seuil de l'atelier. Un homme d'une beauté renversante et enveloppé d'un parfum de fougère et de terre fraîche. Celui-ci lui remet un livre ancien pour restauration, et disparaît.

L'HOMME PRESSE


Dans une petite ville de Dordogne, Mathilde, jeune diplomate, décide d'élire sa retraite et de renouer avec ses amours d'enfance en s'installant en tant que relieuse, comme son grand-père auparavant. Par un matin orageux, elle reçoit la visite inopinée d'un client mystérieux désirant lui confier une commande spéciale dans des termes inhabituels. Une requête urgente aux allures directives, un bel étranger solitaire et éreinté, qui forcent l'intérêt de la relieuse. Et ce n'est pas la subite disparition de l'homme, sans identité apparente, qui va arranger les choses. L'énigme que renferme l'ouvrage va rapidement tourner à l'obsession.


Parallèlement à l'histoire de fond, le lecteur se trouve immergé dans le quotidien de Mathilde, ses gestes précis, les soins prodigués à chacun des ouvrages blessés. On est charmé par la relation secrète et privilégiée qu'elle entretient avec les livres et les possesseurs jonchant sa route, la manière dont elle se mêle à leur intimité, la découverte des fragments qu'ils y oublient ou laissent délibérément. Il y a ses « livres sages » et le fameux livre du fanum qui exerce une attraction particulière sur elle, l'implorant presque de mener l'enquête. Appel qu'elle ne laissera pas sans réponse en s'entourant de ses nouveaux amis artisans pour l'épauler dans sa quête.



LA MAUVAISE REPUTATION


Au fil des pages, des animosités se font sentir, quelqu'un veut nuire à son commerce, l'inviter prestement à repartir d'où elle vient et arrêter de fouiner plus avant. A l'occasion de ses investigations, Mathilde va s'attirer les intimités des « gros bonnets » du village, risquant à son insu de lever le voile sur des secrets qu'il ne fait pas bon déterrer.


Une écriture pleine, voluptueuse et vraie. Outre l'intrigue, on prend grand plaisir à entrer dans cet univers de technicité et de simplicité, à partir à la rencontre du monde de l'artisanat représenté presque intégralement dans cette chaleureuse ruelle pittoresque, comme une ode, un hommage aux métiers d'arts (j'insiste) d'antan. Et pour ajouter une petite touche de lyrisme, l'auteure ponctue chaque fin de chapitre par les tirades savamment choisies de l'œuvre Cyrano de Bergerac. Un roman d'une richesse certaine.



Note : 4/5


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