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UNE HISTOIRE DES LOUPS, par Emily Fridlund

Direction les Editions Gallmeister, une maison qui s'impose de plus en plus comme une référence de la littérature américaine, avec un thriller façon nature writing, un genre qu'aborde Emily Fridlund avec une pudeur toute particulière.


Madeline, adolescente un peu sauvage, observe à travers ses jumelles cette famille qui emménage sur la rive opposée du lac. Un couple et leur enfant dont la vie aisée semble si différente de la sienne. Bientôt alors que le père travaille au loin, la jeune mère propose à Madeline de s'occuper du garçon, de passer avec lui ses après-midi, puis de partager leurs repas. L'adolescente entre petit à petit dans ce foyer qui la fascine, ne saisissant qu'à moitié ce qui se cache derrière la fragile gaieté de cette mère et la sourde autorité du père. Jusqu'à ce qu'il soit trop tard.

L'histoire est celle de Madeline, surnommée la Cinglée ou la Soviet (selon l'humeur de ses camarades) jeune fille un peu désœuvrée demeurant à Loose River, une petite ville située au nord du Minnesota soumise aux caprices de l'hiver rigoureux et à l'étroitesse des conventions de sa micro société. Une héroïne qui nous échappe, un brin étrange et retirée dans les bois, élevée par une communauté marginale, façon Woodstock, sans véritable cadre et dans des conditions extrêmement modestes.

L'intrigue met du temps à se lancer, l'auteure nous perd avec l'intitulé choisi, semblant a priori faire référence à la fascination que nourrit Madeline pour ses amis des grands espaces, les loups, et le scandale pédophile qui ébranle la communauté scolaire de la bourgade. Cet évènement sordide nous apparaît comme le point de départ du roman, obligeant l'héroïne à sortir de son isolement et à s'intéresser de près à la victime présumée, Lily, une jeune illettrée scabreuse.

Au fil des pages, cependant, notre attention jusque-là détournée, finit par être recentrée sur cette nouvelle famille venue se retirer dans un ravissant chalet au bord du lac. Il ne faudra pas attendre plus longtemps pour que Madeline tombe nez à nez avec le petit Paul, enfant du couple, petit bonhomme curieux et autoritaire et se voit proposer le statut de baby-sitter. La lecture nous déstabilise, chaque rencontre s'opérant sous l'œil observateur et distant, presque voyeur de Madeline. La progression de l'intrigue se fait dans une atmosphère trop calme, menaçante. Elle s'emplit de non-dits qui laisse place à toute sorte d'interprétations et quiproquos dérangeants ; la tension est prégnante.

L'étau se resserre imperceptiblement sur cette mère, à peine plus âgée que notre héroïne, qui sous des dehors bienveillants et spontanés fait écho à la solitude de Madeline et cet enfant particulier. Au fur et à mesure, l'adolescente se fait de plus en plus envahissante presque vampirique. A ce stade, j'avoue que ma lecture s'est montrée plutôt impatiente, ne supportant plus cette ambiguïté malsaine.

La deuxième partie du livre est davantage décousue, le cœur du drame dont on commençait à percevoir les contours nous est balancé froidement, le suspense se focalise à présent sur les motivations de ses auteurs. On se perd entre le passé, temps de l'histoire, et le présent, temps de la narration, ce qui semble mettre à mal l'implication éventuelle de Madeline dans le tour horrible qui s'est joué lors de ces jeunes années. Une présomption de culpabilité qui ne m'a pourtant jamais lâchée, son personnage entretenant des rapports étroits avec la douleur physique et psychologique, une souffrance vécue comme une preuve son existence réelle. Un étrange parallèle qui peut être tissé avec les thèses scientistes (mais je ne vous en dis pas plus).

Malheureusement, la fin approchant, j'ai constaté que mon impatience s'était muée en déception, le sentiment de s'être fait avoir car laissée sur une fin brouillonne et peu travaillée qui transpire l'incohérence et la stérilité. Une très belle plume, au demeurant qui nous transporte au cœur d'étendues nobles et sauvages et nous éprouve émotionnellement.



Note : 2.5/5


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