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LES INDESIRABLES, par Diane Ducret



Lors d'un passage sur le plateau de C A VOUS, Diane DUCRET, l'invitée littéraire de l'émission, venait présenter son dernier livre Les Indésirables, un roman historique à l'aube de la Seconde Guerre Mondiale en mai 1940, revenant sur l'épisode de la rafle du Vélodrome d'Hiver à Paris scellant le sort de centaines de femmes dites indésirables d'histoires et horizons différents.

Un cabaret dans un camp au milieu des Pyrénées, au début de la Seconde Guerre mondiale. Deux amies, l'une aryenne, l'autre juive, qui chantent l'amour et la liberté en allemand, en yiddish, en français ... cela semble inventé ! C'est pourtant bien réel. Eva et Lise font partie des milliers de femmes « indésirables » internées par l'État français. Leur pacte secret les lie à Suzanne « la goulue », Ernesto l'’Espagnol ou encore au commandant Davergne. À Gurs, l'ombre de la guerre plane au-dessus des montagnes, le temps est compté. Il faut aimer, chanter, danser plus fort, pour rire au nez de la barbarie.

Plus que la curiosité historique et féminine, c'est davantage la philosophie et la profondeur du discours de l'auteure qui m'a convaincue. Cette façon d'aborder la double problématique de la privation de liberté et de l'exclusion de ces femmes, mais également l'autre, répondant à une urgence biologique et plus transcendante, celle de la procréation, de la continuité de l'humanité finalement. Les critères de sélection, s'ils ne tenaient pas encore à leur orientation religieuse de ces pauvres âmes, leur nationalité ou encore leur statut social, n'en étaient pas moins odieux. Les baraquements sordides et miteux de Gurs dans les Pyrénées devaient désormais être le lot quotidien de toute femme célibataire n'ayant pas eu le bon goût ou la chance d'être mère !


Diane DUCRET nous emmène dans cette traversée à travers les yeux d'un couple germanique expatrié en France quelques années plus tôt, pour le moins atypique : Lise, une jeune femme modeste de confession juive et Eva, pianiste de haut rang et révoltée, au profil plus aryen. Toutes deux ont fui un pays chéri gangrené par un Mal nouveau pour trouver asile dans le début des années 30 sur un sol qui va bientôt s'occuper de les asphyxier.

L'auteure nous décrit avec une terrible justesse, d'après un travail de recherche méticuleux, ces femmes entassées comme des truies pour avoir failli aux devoirs naturels imposés par leur condition féminine, la cruelle bassesse avec laquelle elles sont considérées ; mais également cette colère tenace qui les empêche de se résigner et d'abandonner. Sur ce point, Diane DUCRET nous présente une galerie de portraits détonante, qui à force de ruse, vont accoucher (comble de l'histoire), dans cet improbable décor des camps, d'une formation enchanteresse et engagée, le Cabaret Bleu.

Contrairement à leurs homologues masculins qui après s'être battus avec acharnement, une fois captifs, sont en proie à une déshumanisation fulgurante, les femmes semblent préserver certains réflexes dignes ou plus puérils de leurs vies passées. Toutes se scrutent, se jaugent et se toisent afin de s'évaluer et, pour certaines, de rester au top. Une préoccupation qui s'explique par cette problématique de l'après et de l'horloge biologique qui s'agite péniblement. Quel avenir familial pour une rescapée trop vieille, trop amaigrie ?

On croisera au gré des promenades boueuses et des nouveaux « arrivages », des visages connus, tels que celui de Hannah Arendt et des textes et chansons magnifiques, apparemment de son cru, qui nous feront frémir de véracité.

Une plume d'une grande richesse et intensité, une belle leçon d'humanité !



Note : 4/5


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