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LE MAGASIN DES SUICIDES, par Jean Teulé

M'emparer du Magasin des Suicides ne fût pas chose aisée, à sa sortie - comment allait-on me dévisager, Bible de Mort en main ? Plus la transaction monétaire semblait inéluctable, plus je constatais la formation d'une file de joyeux lurons suicidaires, qui semblaient couver un secret. Opération marketing réussie entre une première jaune fluo et une quatrième explosive qui nous promet une apothéose d'humour noir, un déploiement de tirades cinglantes et hilarantes.


Vous avez raté votre vie? Avec nous, vous réussirez votre mort! Imaginez un magasin où l'on vend depuis dix générations tous les ingrédients possibles pour se suicider. Cette petite entreprise familiale prospère dans la tristesse et l'humeur sombre jusqu'au jour abominable où surgit un adversaire impitoyable : la joie de vivre...


Dans la famille Tuvache, pastiche de la famille Adams (les commissures retroussées en moins), l'horreur et le sadisme sont le gagne-pain quotidien. Mishima et Lucrèce éprouvent une totale admiration pour Vincent, leurs fils aîné dépressif chronique, anorexique fataliste au cerveau comprimé de bandes Velpeau, qui ne cesse de mâchouiller sa lèvre inférieur comme un vulgaire ruminant. Vient ensuite Marilyn, stéréotype de l'adolescente mal dans sa peau, rejetant et vomissant sur chaque courbe de son corps en pleine transformation, et n'aspirant qu'à la Libération ... boycottée évidemment par ses géniteurs, qui comptent bien lui refiler l'affaire familiale.

Notre petit monde évolue dans la morosité, son existence ne cesse de défier le lugubre, jusqu'au jour où l'Apocalypse décide d'y mettre son grain de sel. Une espèce de parasite, optimiste éternel, engendré au cours d'un essayage test de préservatif percé, commercialisé afin de favoriser la contraction de MST, entreprend la difficile tâche de bouleverser entièrement l'ordre des choses.

Le sourire radieux, Alan ne peut s'empêcher de puiser, de fouiller tel l'archéologue, la moindre parcelle de beauté et de bonheur dans l'amas d'horreur le plus extrême dont sa famille et les médias le matraquent à longueur de journée. Alan, nous touche par sa vision édulcorée à la limite de la mièvrerie, cette bulle euphorique dans laquelle il nage et qu'on lui jalouserait presque. Voir la vie en rose quand tout votre entourage dévoue son existence à la noircir, voilà le pari de Jean Teulé. Aussi originale soit la thématique, je m'attendais à être soutenue tout au long de ma lecture par un style incisif et excitant. A la place, j'ai vogué entre énumérations de procédures suicidaires hilarantes et une certaine prévisibilité dans l'enchaînement des événements.

Rien ne vous surprend véritablement, et même si le résumé vous indiquait que la joie de vivre viendrait pénétrer, réanimer ce monde dépressif et suicidaire qui se jette chaque soir par centaine d'âmes, de la tour Moïse, formant une pluie incandescente.

On boude Teulé de nous amener si facilement et de façon trop évidente vers une fin qui vous laisse affamés !

Difficile de passer d'une banalisation exagérée de la thèse suicidaire, d'une réduction à un vulgaire produit de consommation, en déployant une dose de fantaisie à saluer, à chute qui n'en est pas tellement une, une sorte de brasse bouillon qui fait perdre toute sa saveur à l'écriture pêchue de l'auteur.



Note : 3,5/5


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