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CATHARSIS DISPUTATIO (1204-1207), par Patrice Quélard


Aujourd'hui, je remets le couvert dans la catégorie roman historique signé Patrice Quélard, genre littéraire dans lequel je ne me plonge que très rarement. Autant dire que malgré moi, mon regard n'en est souvent que plus intransigeant et cela tient au fait que le roman consiste déjà en soi, à mon avis, en un exercice technique élaboré, et l'intégration d'une coloration historique avec tout ce que cela comporte de rigueur et de maitrise d'éléments factuels n'enlève certainement rien à sa complexité. Disputatio, premier volet de la trilogie CATHARSIS, est un ouvrage de très bonne facture revenant sur la tragédie cathare, un chapitre de l'Histoire française avec lequel je n'étais vraiment pas familiarisée (honte à moi, mais mieux vaut tard que jamais).

En ce début de XIIIe siècle, l'hérésie cathare gagne du terrain en Occitanie. Pour la contrer, les légats du pape n'hésitent pas à disputer le terrain aux 'bons chrétiens', ministres du culte hérétique, qui ont bien souvent la faveur du peuple. Cet affrontement se déroule d'abord sur le terrain idéologique, et les joutes restent essentiellement verbales... Mais pour combien de temps encore ? Au même moment, à Toulouse, le marchand Jean Taillefer et sa fille Poncia mènent une lutte beaucoup plus prosaïque : ils veulent le monopole sur la draperie de luxe. Les destins de plusieurs témoins et acteurs de cette époque troublée s'entrecroisent, se mêlant à l'histoire de certains des célèbres protagonistes de l'inexorable tragédie qui a déjà commencé à se nouer.


Oeuvre historique, absolument, puisque propulsant le lecteur à l'aube du XIIIème siècle, en Occitanie, en plein coeur d'un débat, voire d'une rixe, théologique opposant cathares, considérés comme hérétiques, et l'Eglise catholique romaine qui commence à cristalliser bon nombre de mécontentements et à compter dans ses rangs quelques détracteurs. L'auteur tente, avec une langue soignée et fluide d'appréhender les tenants et aboutissants de ce nouveau courant et d'en faire le portrait le plus fidèle au lecteur bien souvent novice, suivant avec application sa progression.


Mais Disputatio ne se contente pas de se travestir en simple récit, la dimension romanesque joue un rôle central dans l'ouvrage, dans sa dynamique, en ce qu'elle permet au lectorat, peu téméraire ou dissipé, de se projeter en pareil terre disputée, de trembler à l'idée d'une mauvaise rencontre à la lisière d'un bois ou encore de monter à la tribune en prenant la pleine mesure des arguments de chacun, et surtout, de ne pas se noyer dans un vocabulaire inédit et peu familier ou un simple enchainement de faits où il est tâche bien mal aisée que d'identifier chacun des protagonistes, tous arborant des patronymes similaires.


Disputatio est un roman séquencé, j'entends ici que nous suivons le parcours de différents personnages - d'une primitivité et férocité redoutables à bien des égards - et ce, simultanément : tantôt le chemin de croix (sans mauvais jeu de mots) de représentants catholiques partis à la reconquête du peuple, tantôt les péripéties de la famille Taillefer, propriétaire d'une draperie de luxe (avec en tête d'affiche, j'ai nommée la fille, Poncia et ses écarts) ; en passant par celui de routiers malfamés mandatés pour servir les bas instincts de quelque seigneur mal intentionné.


De cette lecture, je ressors encore avec cette problématique des rapports étroits qu'entretiennent Pourvoir et Religion, a fortiori de ses accapareurs, cette dernière étant par essence pourtant dépourvue de toute ambition de cette nature. Je me suis également considérablement enrichie et ai le sentiment de m'être appropriée un peu de notre histoire et de ne pas avoir seulement survolé la thématique.



Note : 4/5


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