CHAFOUINE, par Alain Galan
# SPECIAL MASSE CRITIQUE #
Chafouine… Chat-chouette ou chat à tête de carnaval, mais quel est donc ce drôle d'animal ? Une espèce fossile ou un caprice de la nature ? Une chose est certaine, elle aura échappé aux griffes des zoologistes, à l'esprit parfois étriqué, sans doute trop frileux pour s'abandonner sur les chemins broussailleux de l'étrange. Là est la promesse sinon l'invitation que nous adresse Alain Galan et les Editions Buchet Chastel (que je remercie chaleureusement), à travers la thèse du récit-journal d'André Delhot, promeneur aguerri, et que l'ancienne éditrice de l'auteur lui a collé dans les pattes, faute d'avoir reçu un accueil favorable par le comité scientifique.
À La Tremblaie, tous - Delhot, Mélie, le facteur... - affirment avoir aperçu un chat à tête de chouette. Serait-il le fruit d'un accouplement contre nature, un survivant de la faune ancienne ou l'une de ces « bêtes ignorées » dont nous parlent les cryptozoologistes ?Infatigable coureur de bois, André Delhot, tout au long du récit-journal qu'il consacre à l'affaire, s'efforce-t-il vraiment de la tirer au clair ? Ou, au contraire, s'attache-t-il à brouiller les pistes ? Mais alors, à quelle fin ?
Plus encore que la découverte de ce croisement farfelu, c'est la disparition de son « inventeur » qui nous interpelle et nous tient en haleine. En effet, avant de nous engouffrer dans les bois et battre les fourrés à la poursuite de l'étrange phénomène, dit La Souche, encore faut-il pouvoir remettre la patte sur ce mystérieux naturaliste, peut-être un peu dérangé, qui semble s'être volatilisé avec ses élucubrations.
Si l'histoire se lance rapidement, on notera dès le début quelques sorties de route et une pointe de désenchantement voire d'amertume chez Alain Galan face aux mutations affectant le monde de l'édition et plus largement celui de la littérature. L'auteur ponctue son récit de nombreuses références bibliographiques (très intéressantes au demeurant) et se perd parfois en répétitions et reprises qui freinent la progression de l'intrigue.
Au fil des chapitres, la physionomie et psychologie de la « Bête de la Tremblaie » se dessinent en nous surprenant par une certaine élégance et une sauvagerie imprévisible ce qui donne un nouvel élan à notre lecture et nous incite à aller plus avant. A mesure que les pages défilent sous nos yeux, les témoignages des habitants s'amoncellent apportant ainsi davantage de crédit aux constatations d'André Delhot. Il nous faut en savoir plus et vite !
Mais, cela se stoppera net, nous laissant sur notre faim à peine chatouillée. Si je dois bien reconnaître à l'auteur une plume délicate et ô combien savante, je suis au regret de ne retenir de ce livre qu'une charmante et instructive promenade en forêt. Je me suis presque sentie expulsée du roman par cet usage abusif de l'explicite ne laissant aucune place aux déductions du lecteur qui a pourtant envie de s'impliquer, de participer. Je me suis égarée dans une sorte de contemplation, essoufflée par les nombreuses énumérations de félidés, par cette distillation de savoir quasi encyclopédique (dans un si petit ouvrage !). L'intrigue finit par rester au point mort par rapport à ce que nous annonçait de façon si alléchante la quatrième de couverture. On revient bien vite au sujet qui occupe notre narrateur, à savoir Etienne de Silhouette, ce qui nous donne la sensation d'une compilation de connaissances n'entretenant, a priori, aucun lien avec l'affaire qui nous intéresse, si ce n'est qu'il a souffert, à l'instar de notre héros, d'avoir été pris pour un original.
Une maison d'édition dont je suis pourtant très friande. Un auteur que j'essaierai de rencontrer à nouveau sur d'autres sentiers escarpés et dont je retiendrai tout de même quelques formulations délicieuses : « La féérie naît à force de précisions ».
Note : 2/5