REVELATION BRUTALE, par Louise Penny
Qu'il fait bon de s'envoler direction le charmant petit village de Three Pines au coeur de la forêt québécoise et de retrouver ses habitants truculents et farfelus - tomber les masques une fois de plus - à l'occasion du dernier fait divers en date : le corps inerte d'un vieil ermite, inconnu au bataillon (en apparence), abandonné dans le bistrot du joyeux patelin. L'heure pour notre vénérable inspecteur Gamache d'entrer en scène, de retrouver les vers assassins de la vieille alcoolique et poétesse du coin, les mets fumants de Gabri et Olivier, tenanciers du bistrot, les croûtes artistiques et discussions nocturnes dans le petit jardinet de Peter et Clara, bref comme à la maison.
L'été s'achève et la nature réserve aux habitants de Three Pines un dernier éclat terrifiant. Un mort est découvert dans l'endroit le plus vivant du village : le bistro d'Olivier. De prime abord, personne n'admet connaître le vieil ermite assassiné. Armand Gamache et son équipe reviennent dans les Cantons-de-l'Est pour sonder les strates de mensonges et de non-dits que dissimule le vernis idyllique des lieux. Des sentiers oubliés les conduisent au fond des bois, là où se cachent des secrets et des trésors honteux. Le chaos s'est infiltré dans cette beauté sauvage et ce qui attend l'inspecteur-chef n'est rien de moins qu'une révélation brutale.
Une fois de plus et ici certainement de manière magistrale, Penny, héritière de la veine rompol, signe une enquête fascinante, rythmée et originale, sur fond de légende exotique et sculpture sur bois. Que le lecteur ne se laisse pas abuser par cette écriture généreuse et savoureuse, cette proximité avec chacun des protagonistes qui tend souvent à nous charmer pour mieux nous tromper, le fond de l'affaire se dévoile cruellement et nous laisse désarmé.
Une performance d'autant plus remarquable que Louise Penny ne se contente pas d'user des lieux communs du genre policier, cette espèce d'ambiance manichéenne, ce langage cru ou obscène, pour capter et garder son lectorat sous la plume, mais arbore clairement une bienveillance apparente soulignant la complexité de l'âme humaine et suggérant l'horreur tapie en chacun de nous. Ces petits défauts qui, si l'on n'y prend pas suffisamment garde, finissent par nous dévorer.
Note : 4,5/5