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TROIS FILLES D'EVE, par Elif SHAFAK

  • RAPHIKI
  • 18 mai 2018
  • 2 min de lecture

Trois filles d'Eve a sonné comme ma première rencontre avec la plume d'Elif SHAFAK qui s'était déjà distinguée dix ans auparavant avec La Bâtarde d'Istanbul, et avec la littérature turque en général.


Mariée à un riche promoteur, Peri assiste à un grand dîner dans une somptueuse villa du Bosphore. Au cours du repas, chacun commente les événements dramatiques que traverse la Turquie pendant qu'elle repense à sa jeunesse, à l'affrontement entre son père laïc et sa mère très pieuse, puis étudiante à Oxford entre ses deux amies : Shirin, Iranienne émancipée, et Mona, musulmane pratiquante et féministe. Elle se remémore aussi sa rencontre avec Azur, le flamboyant professeur de philosophie qui les a réunies. Cette soirée pas comme les autres fera ressortir les contradictions de la femme d'aujourd'hui et les impasses dans lesquelles se débat une société coincée entre tradition et modernité. Elif Shafak signe une satire violente de la bourgeoisie stambouliote comme du fanatisme religieux, également aveugles aux aspirations d'une jeunesse en quête de vérité et de liberté.

L'auteure nous présente l'héroïne, Péri, comme une femme quadragénaire égarée dans son quotidien stambouliote asphyxiant et chaotique, personnage engoncé dans ses contradictions intérieures et une certaine futilité de vie, très confortable au demeurant. L'histoire se raconte en deux temps, par alternance, d'une part, un présent marqué par l'opulence et la superficialité en contradiction avec, d'autre part, un passé riche et tumultueux au cours duquel on suit l'évolution de ce peuple turc, au sein de la cellule familiale - cette minute où l'équilibre politique et social bascule et laisse place à une véritable fracture avec la montée de l'extrémisme. Fille de mère pratiquante réfugiée dans le prosélytisme, et d'un père laïc à la descente vertigineuse, farouchement harnaché à ses libertés, Péri, tel un funambule, va tenter de se frayer un chemin parfois hasardeux concernant la question religieuse, en évitant soigneusement de prendre clairement position. Tiraillée entre ses deux parents qui se déchirent depuis tant d'années et des membres qui se désolidarisent en empruntant des voix radicalement opposées, Péri et sa famille nous apparaissent comme une véritable fresque sociale à eux-seuls.

Tout au long de la lecture, on suit le parcours, la transformation, de cette jeune turque envoyée à Oxford pour ses études supérieures, ses rencontres fondatrices avec deux étudiantes presque stéréotypées, Shirin, iranienne émancipée et délurée, et Mona, musulmane et féministe convaincue, et Azur, professeur énigmatique et fascinant.

Le livre nous interroge sur le destin de cette femme qui semble avoir étouffé soigneusement cette phase capitale de sa construction et à travers elle, sur cette société divisée. On rit de ce microcosme bourgeois pathétique, vraie foire aux bestiaux, tout en se délectant des us et coutumes turcs. Une plume engagée pour la lutte contre le sectarisme et l'affirmation des libertés, qui manque toutefois d'âme, la sensation de récupérer une recette qui avait fait ses preuves avec La Bâtarde d'Istanbul. Une traduction qui n'est peut-être pas étrangère à ce constat.


Note : 3/5


 
 
 

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