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L'ARCHE DES SEVANES (Tome 1), par Benjamin MENVIELLE

L'Humanité primaire n'est plus, Vive l'Humanité nouvelle !


Et à chaque renouveau, les mêmes emmerdements et les mêmes écueils, à croire que la nature humaine demeure immuable dans sa bêtise et son orgueil maladif. Seuls le décor et les appellations se griment, l'appareil politique gangréné, lui, demeure.


A l'heure où le Chaos a décimé notre monde, une poignée de survivantes, les Sevanes, femmes par la suite déifiées, se sont attelées à rassembler les cendres de la mémoire du Monde dans une Arche, comme une dernière sauvegarde du disque dur de notre civilisation.


Benjamin Menvielle pose ici les bases d'une ère nouvelle, accouchant d'une engeance aseptisée. Un territoire où les relations humaines ont été dépossédées de leur chaleur et de leur simplicité premières pour laisser place à une communauté « écran » qui gèle les cœurs en faisant la part belle aux hologrammes. Une société où les êtres de chair, de polymères et de carbone ne sont que des numéros de série (une codification d'identification qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler nos systèmes contemporains d'assurance maladie voire de traçabilité des denrées alimentaires), tous « cultivés » dans des serres in vitro et vendus aux plus offrants lors de grandes kermesses faisant office de vente aux enchères.





L'intention de départ, comme il est souvent de mise, est louable : reconstruire sur des bases plus fraternelles, un écrin où la notion de propriété aurait été abolie, mère de beaucoup de maux, où chacun « œuvrerait » au bien commun plutôt que de besogner pour sa propre personne, où les ressources vitales seraient redistribuées de façon égale sans tenir compte de la classe, du genre ou de la race. L'auteur ne lésine pas sur les références aux grands mouvements qui nous ont traversés, savoir la collectivisation, la socialisation des moyens de production et des biens. On s'amusera devant la posture très « camarade » des protagonistes, sanctionnant chacun de leurs échanges par le scandement « Pour les Sevanes », comme un écho au ralliement à la Cause.


Mais le joli vernis s'avère souvent le prétexte inavouable et méprisable d'une oligarchie déterminée à contenir, par quelque moyen que ce soit, qu'il tienne de la propagande ou à une diversion opiacée, la Masse afin qu'elle n'interfère de près ou de loin dans le maintien de ses propres intérêts, bien souvent misérables et insignifiants.


Chacun à leur manière, la pléiade de protagonistes peuplant le récit, à l'aube de raids menés par une population autochtone, les Autres, êtres rouges aux yeux noirs, barbares démoniaques s'il en est et évidemment méprisés des hauts placés à l'instar de leurs ancêtres et de leur schéma de pensée imbécile, tenteront d'infiltrer le système afin de mettre à mal ce jeu de dupes. La Résistance s'organise, l'enchainement rapide, millimétré entre les personnages nous emporte. Ca grouille, ca s'agite, la rumeur enfle, la menace gronde, la Résistance s'organise : ca va péter !


Les questionnements liberticides, philosophiques, éthiques et moraux que soulèvent cet Ordre politique despotique ne manquent pas et l'auteur se réjouit d'en gaver le lecteur qui frémit face aux tensions qui se cristallisent et qui sent poindre les prémisses d'une guerre civile.


Sous couvert d'une écriture intelligente et profonde, l'auteur ne se refuse aucune percée incisive pour nous plonger dans une atmosphère crasse et humide, amenant même parfois sur les rives dangereuses de l'idéologie sectaire et de l'autel sacrificiel. On est littéralement happé par l'urgence. Les problématiques sont abordées avec finesse et sans préavis. Je n'ai pu m'empêcher de retenir quelque pincement au cœur quant au traitement qu'il est fait de cette épineuse question du renseignement et de l'importance de la mémoire collective et d'un passé commun comme fondation essentiel de toute civilisation. Après tout, la troisième guerre mondiale ne serait-elle pas celle de l'information ?


Une lecture qui m'a remuée et que je recommande absolument ! Petit plus pour la référence Avatar et notamment à son arbre des âmes qui s'offre ici une réinterprétation somme toute originale, la cyprine en supplément !


Un grand merci à LIBRINOVA et à NetGalley.



Note : 4,5/5

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