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ZOGRU, par Doina RUSTI

Après l'intrigant Eltonsbrody de Edgar MITTELHOLZER, je poursuis mes pérégrinations sur les terres des Editions du Typhon pour un deuxième voyage tout aussi prometteur, en me jetant avec une joie non dissimulée, dans l'univers de Zogru, signé Doina RUSTI.


Au menu cette semaine : cap vers la Valachie, ancêtre de la Roumanie, dans les contrées sanglantes de Vlad l'Empaleur en compagnie de Zogru, un être démoniaque et tout à fait charmant, au demeurant.


Sorti tout droit des entrailles de la Terre, Zogru est ce qu'on appelle un esprit possesseur. Tout au long de son récit, on se plait à le suivre dans les confins de sa mémoire pluri centenaire, au risque parfois de se perdre, telle une bille de flipper percutant sans préavis les portes de chacun de ses souvenirs dans une danse frénétique et chaotique, sans aucune cohérence chronologique.





Tantôt débonnaire, tantôt capricieux, Zogru est un sentimental avec une ambition clairement affichée, se mettre au service de l'accomplissement de ses « victimes ». Une entreprise qui ne se fera pas sans perte et fracas. Si ses intentions sont louables, la cohabitation est souvent maladroite et inconfortable. Zogru connait beaucoup de difficultés à se fondre harmonieusement avec ses hôtes, son exaltation se télescopant souvent avec leurs propres morales et turpitudes, ce qui donne lieu à des situations plus que cocasses, voire ridicules et hélas, parfois absolument tragiques.


Zogru est une page blanche et c'est au prix de quelques sacrifices et de nombreux dommages collatéraux, que le lecteur se plaira à suivre son dépucelage dans l'apprentissage et la maitrise de son pouvoir. Il a la fraicheur de l'enfant qui s'émerveille face aux trésors que le monde peut lui offrir, l'appétit démesuré qui ne supporte aucune limite ni frustration, vampirisant l'énergie vitale de ses logeurs d'infortune avec frénésie.


Au travers de ses péripéties, l'auteur, illustre avec malice les constructions farfelues des contes et légendes, terreau des folklores populaires, et l'importance du rôle de la tradition orale. L'imaginaire collectif se plait à déformer les faits à l'excès et Doina RUSTI nous offre ici une réinterprétation savoureuse du mythe de Dracula en suggérant la possession de notre antihéros par une signature vampirique : deux petits points rouges sur la nuque.


Le récit repose sur un enchevêtrement d'époques et une alternation des personnages qui ont marqué Zogru le nostalgique. On comprend rapidement que se joue ici un système de destins croisés entre deux lignées sur moult générations. S'il a su ravir mon coeur en quelques volutes et qu'il fut jouissif de voguer d'âmes en âmes à ses côtés, c'est avec cette même nostalgie, qu'une fois arrivée aux deux tiers de ma lecture, je me suis prise à regretter ses premiers amours (notamment le brave Pampou et l'infâme Ionitsa le Boutonneux), ne trouvant que peu d'intérêt et d'épaisseur aux personnages plus contemporains dont la rencontre se profilait pourtant comme le point de chute de cette lecture. A croire que Zogru a fini par jeter son dévolu sur ma personne en sirotant un peu de ma vitalité. Reste que la plume de Doina RUSTI fût un enchantement et que je vous recommande chaudement cet ouvrage.



Note : 3,5/5

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